Comme chacun le sait, l’article 344, § 1er, du CIR et ses corollaires en droit d’enregistrement (article 44 du CDE) et en droit de succession (article 106, alinéa 2, du CDS) ont pour but de combattre tous les abus fiscaux sans qu’il soit requis de la part de l’administration fiscale d’établir une nouvelle qualification juridique à l’acte posé par un contribuable.
Les dispositions anti-abus fiscal constituent des armes redoutables dans l’arsenal déjà bien garni de l’administration fiscale et l’on peut s’attendre à ce qu’elle en fasse usage régulièrement.
Il faut observer ici que la mesure est susceptible de s’appliquer non seulement à certains actes juridiques bien précis, mais aussi à une succession d’actes. En effet, deux opérations successives peuvent parfaitement être cataloguées comme relevant de l’abus fiscal. L’administration parle en ce cas d’unité d’intention.
Voici quelques exemples (dont certains sont d’ailleurs expressément visés par le Service des décisions anticipées) :
- Scission, scission partielle ou apport de branche d’activité avec cession immédiate ou ultérieure des actions(voir avis publié sur le site du SDA) : selon l’administration, lorsqu’une société revendique la neutralité fiscale d’une scission, d’une scission partielle ou d’un apport de branche puis décide, par la suite, de vendre les participations en profitant de l’exonération des plus-values sur actions, le fisc y voit une application possible de la mesure anti-abus. Il ne suffira donc pas d’avancer des motifs économiques valables puis d’attendre un certain délai avant de céder les actions, comme c’était permis précédemment. Désormais, plus aucune sécurité juridique n’est garantie par l’administration du ruling qui considère qu’il y a dans ce cas unité d’intention visant à éluder l’impôt.
- Création d’une holding interne, suivie d’une réduction de capital. Dans la même logique, l’apport de titres (en exemption fiscale) d’une société d’exploitation à une société holding, suivie d’une réduction de capital après 4 ans, ne bénéficie plus des faveurs du SDA. Pour échapper à la qualification d’abus fiscal (et le risque de taxation de la plus-value), la société devra exposer tant la raison économique de l’opération d’apport que la nécessité de la réduction de capital ultérieure.
- Montage impliquant un droit d’emphytéose: une société acquiert un droit d’emphytéose sur un bien immeuble et par la suite une société acquiert ledit immeuble. L’indemnité due pour le droit d’emphytéose est proche de la valeur de la pleine propriété du bien immeuble. Pour échapper à l’article 44 CDE, il conviendra d’apporter la preuve d’autres motifs que des motifs fiscaux.
- Acquisition scindée d’un immeuble (usufruit par les parents et nue-propriété par les enfants), elle-même précédée d’une donation au profit du nu-propriétaire. Selon, l’administration, la donation préalable ne pourra valoir comme preuve contraire, dans le cadre de l’article 9 du Code des droits de succession (présomption de libéralité), que dans les deux cas suivants :
- Lorsqu’il sera démontré que les bénéficiaires ont pu librement disposer des biens donnés. Ce sera le cas, par exemple, s’il est démontré que la donation par l’usufruitier n’était pas spécifiquement destinée au financement de l’achat de la nue-propriété dans le cadre d’une acquisition scindée ;
- Lorsque des droits de donation ont été payés sur la donation préalable.