Il tout aussi pertinent de s’intéresser aux décisions anticipées qui ont été refusées par la Commission du ruling (le « SDA ») qu’à celles qui ont été acceptées. Cela permet de comprendre les principes que ce Service entend faire prévaloir et de mieux cerner sa ligne de conduite.
En matière de droits d’auteur, ce Service est régulièrement sollicité par de nombreux candidats, en raison du régime fiscal attractif mis en place par le législateur (taxation au taux de précompte mobilier de 15% des revenus de la cession ou concession de droits d’auteur, avec en outre un forfait de charges de 50% sur la première tranche non indexée de 10.000 EUR).
Se sont ainsi vues refusées les opérations suivantes (nous résumons la demande visant à l’octroi d’une rémunération sous forme de droits d’auteur pour l’opération réalisée et le motif du refus)
1. Réalisation par un notaire d’un programme « Excel » permettant d’établir des décomptes de frais relatifs aux différentes opérations dans lesquelles un notaire intervient. Motif du refus : la condition d’originalité de ce type de programme fait défaut.
2. Montants attribués par des clubs de football à des footballeurs amateurs, via une plateforme internet, pour la cession de leurs droits à l’image résultant de la captation des matches, prévu à l’article 17, §1er, 5° du CIR92. Motif du refus : le droit à l’image est un droit distinct du droit d’auteur et du droit voisin ; de plus les prestations exclusivement sportives ne sont pas protégeables par le droit d’auteur.
3. Travaux de restauration d’ouvrages. Préalablement à la restauration, le demandeur rédige une méthodologie décrivant précisément les actions qui vont être entreprises par la société concernant l’ouvrage à restaurer. Chaque méthodologie est adaptée à 100% aux besoins du client. Motif du refus : Pas suffisamment de liberté de création propre pour qu’il soit question d’un style reconnaissable, original et propre au demandeur. En outre, lors d’une restauration, on est souvent tenu à certaines exigences fonctionnelles/techniques. La méthodologie susmentionnée est de nature technique et non artistique.
4. Conception de documents et d’écrits fiscaux par les travailleurs d’un bureau comptable. Ces écrits sont la rédaction de résumés destinés aux formations internes hebdomadaires, le fait de donner des formations externes, l’élaboration de modules de calcul, la rédaction d’avis fiscaux / comptables, etc. Motif du refus : il s’agit avant tout de la tenue à jour des nouveautés fiscales et comptables qui apparaissant dans des circulaires, des AR, des textes de loi, des avis de la CNC, … et pour lesquels une synthèse est effectuée ou un récapitulatif des points les plus importants. L’occupation susmentionnée doit plutôt être considérée comme une reproduction de la réalité, pour laquelle la créativité propre laissant l’empreinte personnelle de la personne concernée, est insuffisante.
5. Rédaction par des avocats d’avis juridiques écrits et de modèles de convention (modèles de baux, de transactions, etc.). Motif du refus : Absence d’originalité : il existe déjà pratiquement pour chaque contrat, document de procédure, acte ou clause, un modèle juridique et que certaines maisons d’édition proposent déjà dans des dizaines de domaines juridiques, des modèles juridiques et contrats. Il n’est pas suffisamment établi que les modèles de convention reflètent un apport créatif suffisant pour être considérés comme œuvre protégée par le droit d’auteur. Les avis juridiques sont de simples transcriptions de la réalité et ne bénéficient donc pas de la protection relative au droit
On peut dégager de ces refus successifs du SDA le principe que le critère de l’originalité qui est déterminant fait ici défaut. Ce critère n’est d’ailleurs défini par aucune loi (sauf exceptions, comme dans le domaine des programmes d’ordinateur ou de base de données ).
Une œuvre originale est une création marquée par la personnalité de son auteur, portant son empreinte personnelle. Il ne faut donc pas qu’elle demeure au seul stade de la création banale. Cela passe par la démonstration que l’auteur a pu effectuer des choix qui révèlent son empreinte personnelle.
Dans les demandes qui ont été rejetée par le SDA, on pressent que les œuvres ont une forme qui n’est déterminée que par des exigences techniques ou fonctionnelles et qui dès lors ne peut être protégée par le droit d’auteur.
Ajoutons que dans cette appréciation du caractère original, il ne peut être tenu compte l’importance de l’effort : une création peut être le résultat de plusieurs années de travail ou de quelques minutes de travail. C’est ce qui nous différencie de la culture anglo-saxonne qui s’attache d’avantage aux investissements qui ont été effectués (doctrine dite de la sueur du front, « sweat of the brow« ). Notre approche continentale des droits s’attache exclusivement à la pure créativité et non au résultat d’un travail, au talent ou à l’expertise fussent-ils exceptionnels.