1. Introduction. Animé tout à la fois par le besoin d’assainir une situation financière difficile, la volonté de ne pas faire supporter des charges supplémentaires sur les revenus du travail déjà lourdement taxés et le choix de simplifier fortement les règles de perception des précomptes sur les revenus mobiliers qu’il avait lui-même rendues fort complexes, le gouvernement a pris l’initiative d’une refonte importante de la fiscalité mobilière. Concrètement, après avoir constaté que le recouvrement de la cotisation supplémentaire de 4% sur les revenus mobiliers et les obligations de communication qui en résultent étaient problématiques, il a décidé d’opérer un brusque mais salutaire retour en arrière en supprimant cette cotisation, avec effet au 1er janvier 2013. Cette nouvelle réforme est désormais coulée dans la loi-programme du 27 décembre 2012 (M.B. du 31 décembre 2012)[1]. Le maître-mot de la réforme est « l’harmonisation des revenus mobiliers ». Le souhait clairement exprimé par le Ministre des Finances est aussi de « stimuler l’économie », peut-on lire dans l’Exposé des motifs de la loi[2]. Si l’on doit se réjouir de ce changement de cap, il reste que certaines interrogations subsistent et que ces soubresauts législatifs répétés ne peuvent que contribuer à forger l’image d’une législation mobilière belge chaotique et d’une extraordinaire volatilité. Comme l’a rappelé encore récemment la Cour de justice européenne, les exigences de sécurité juridique impliquent que les règles soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets[3]. Or, cette deuxième refonte de la fiscalité mobilière en moins d’un an, cette quatrième loi-programme (après la loi-programme du 28 décembre 2011, et celles du 29 mars 2012 et du 22 juin 2012 qui ont apporté divers correctifs à la loi du 28 décembre 2011) est loin de favoriser la sécurité juridique que tout investisseur serait en droit d’espérer. Suite à cette dernière adaptation, les contribuables belges, ainsi que les institutions redevables des prélèvements sur les revenus mobiliers se retrouve dans cette étrange situation d’être obligés de subir des obligations fiscales contraignantes pour l’année 2012, alors que celles-ci sont désormais annulées depuis le 1er janvier 2013. Une illustration de plus du « surréalisme à la belge ».
2. Aperçu des principales mesures adoptées-. Avant d’entrer dans le détail de chacune des mesures adoptées et en vigueur depuis le 1er janvier 2013, en voici d’emblée un aperçu :
– hausse généralisée du taux du précompte mobilier de 21% à 25% sur les intérêts et dividendes (sauf exceptions pour certains revenus conservant le précompte mobilier à un taux réduit de 15%) ;
– maintien du taux de 10% sur les bonis de liquidation ;
– création d’un nouveau taux de 15 % sur les revenus provenant de SICAFI résidentielles ;
– retour au mécanisme du précompte mobilier libératoire ;
-suppression de la cotisation supplémentaire de 4% ;
-instauration d’un impôt de 0,4% sur les plus-values sur actions réalisées par des sociétés qui ne sont pas des PME.
– hausse de la taxe sur les contrats d’assurance-vie portée à 2% au lieu de 1,1 %.
– obligation de déclaration des contrats d’assurance-vie individuels contractés à l’étranger
Par ailleurs, la loi simplifie, pour l’année 2012, les modalités de perception de la cotisation supplémentaire précitée en supprimant l’obligation d’information à un Point de Contact central.
Commentons à présent ces différentes mesures.
3. La hausse généralisée du précompte mobilier à 25%. Souhaitant trouver une solution visant à tenir compte des capacités contributives des contribuables, le législateur avait introduit, dans la loi du 28 décembre 2011, un précompte mobilier de 21 % sur les revenus mobiliers d’un montant inférieur à 20.020 EUR, et de 25% sur les revenus supérieurs à 20.020 EUR. Cette « taxe des riches » , qui s’ajoutait donc au précompte mobilier de base de 21%, était prélevée sous la forme d’une cotisation de solidarité de 4% (nécessitant un formulaire spécial différent du formulaire 273 déjà applicable à tous les précompte mobiliers). N’étaient épargnés de cette taxe supplémentaire que les bons d’Etat Leterme, les intérêts de carnets d’épargne, les bonis de liquidation et les revenus sur lesquels un précompte mobilier de 25% était déjà fixé. Par ailleurs les personnes désirant conserver leur anonymat pouvaient opter pour le prélèvement d’une telle cotisation supplémentaire de 4% sur l’ensemble de leurs revenus mobiliers (y compris donc la première tranche de 20.020 EUR). Après les quelques mois nécessaires pour mettre en place ce nouveau régime et pour contrôler le respect des dispositions légales, il a bien fallu faire le constat que de nombreux problèmes étaient apparus, rendant la levée de l’impôt fort inefficiente. Une adaptation, dans le sens d’une simplification du régime, s’avérait nécessaire. Depuis le 1er janvier 2013, tout investisseur se voit donc à présent soumis à un taux uniforme de 25% sur les dividendes et es intérêts. L’article 269 du CIR est donc modifié et mentionne ce taux de 25%. Bien que la simplicité soit une vertu toujours appréciable en matière de fiscalité, on reste en droit de se demander si ce système atteint réellement l’un des objectifs postulés par nos ministres, qui est de frapper davantage les gros détenteurs d’avoirs mobiliers. En effet, la mesure pénalise avant tout les titulaires de faibles revenus mobiliers qui ne dépassent pas 20.020 EUR et qui bénéficiaient auparavant du précompte mobilier réduit à 21%. Les petits épargnants sont donc les principales victimes du taux de précompte de 25%. Comme le soulignait une députée de l’opposition, « L’année passée le petit épargnant n’était pas considéré comme riche par le gouvernement fédéral. En 2013, il est réputé riche ».[4] Une inflation souvent plus forte que le revenu généré de nombreux placements actuels accentue par ailleurs cette pénalisation.
4. Les exceptions au taux de 25%. Echappent tout d’abord à ce lissage vers le haut à 25% – et restent donc maintenus au taux de 15% – les revenus suivants : les bons d’Etat émis entre le 24 novembre 2011 et le 2 décembre 2011 (bons d’Etat Leterme), les revenus qui résultent de la cession ou de la concession de droits d’auteur ou de droits voisins , les revenus de dépôt d’épargne inférieurs ou égaux à 1830 EUR et les revenus de toutes opérations d’appel à l’épargne qui interviendraient à l’avenir. Après avoir provoqué une brève montée d’adrénaline chez les bénéficiaires de droits d’auteur, puisqu’il était envisagé que ces droits seraient soumis au taux général de 25%, le Ministre des Finances a fort opportunément renoncé à cette augmentation. S’agissant de ces revenus, on ne perdra toutefois pas de vue qu’ils sont toujours soumis aux centimes additionnels en raison de l’obligation, qui reste d’application, de déclarer les droits d’auteur. Cette obligation est destinée à vérifier que de tels droits ne dépassent pas le plafond de 54.890 EUR (exercice d’imposition 2013). La loi du 13 décembre 2012 portant dispositions fiscales et financières (M.B. 20 décembre 2012) est venue par ailleurs apporter certaines précisions complémentaires en cette matière. La partie des droits d’auteur obtenus qui excèderait cette limite de 54.890 EUR est soumise en principe au taux distinct de 25%. Si cette partie excédentaire a toutefois une origine professionnelle elle subira les tarifs progressifs de l’Impôt des personnes physiques. Il faudra donc toujours vérifier si les droits d’auteur sont ou non affectés à l’exercice de l’activité professionnelle du bénéficiaire desdits revenus. Les revenus de bons d’Etat ou de dépôt d’épargne (et sur lesquelles le précompte mobilier de 15% a été retenu par l’institution financière) qui, en 2012, n’avait pas été soumis à la cotisation supplémentaire de 4% échappent en revanche à l’obligation de déclaration, comme c’était déjà le cas auparavant. Conservent enfin le droit au taux réduit les bonis de liquidation qui restent imposés au précompte mobilier de 10%. Ce choix doit être salué car, pour de nombreux dirigeants, les sommes obtenues au titre de boni de liquidation constituent une source essentielle de revenus à la fin de leur activité professionnelle. Le boni de liquidation est en quelque sorte le capital retraite de l’indépendant.
5. Premières observations critiques. – On peut s’interroger sur les choix opérés par nos gouvernants. Derrière le souhait du gouvernement de privilégier une fiscalité favorable sur les livrets d’ épargne (avec ce double avantage d’une exonération de la première tranche de 1830 EUR et d’une taxation de 15% sur le surplus) et de taxer plus sévèrement les dividendes d’actions, on décèle une évidente contrariété avec l’objectif formulé avec vigueur et conviction en préambule de la réforme, qui est de tout entreprendre pour stimuler notre économie belge et la rendre plus compétitive. On constate plutôt une volonté de pénaliser la prise de risque, une tendance à sanctionner ceux qui injectent leur argent dans le capital d’entreprises soit directement en tant qu’associés fondateurs, soit indirectement via des fonds de placement en tous genres. On peut s’interroger sur le message véhiculé par la réforme à l’attention de tous ceux qui investissent dans l’économie réelle, alors que l’on sait pourtant les aléas que de tels placements peuvent avoir. En toute logique, les revenus d’actions ne devraient-il pas être taxés avec plus d’indulgence si l’on veut souhaiter renforcer la position concurrentielle de nos entreprises ? Dans cet esprit, n’aurait-il pas été opportun de maintenir un taux de 15% pour les revenus d’actions de PME ? On rétorquera que les placements d’épargne sont utilisés par les banques pour accorder des crédits à de telles PME ? Mais quelle garantie réelle en a-t-on ? Par ailleurs ce changement législatif, intervenu moins d’un an seulement après la réforme de décembre 2011, place à nouveau devant le fait accompli nombre d’investisseurs qui avaient tablé sur une stabilité fiscale à moyen terme et qui avaient placé en 2012 leur argent dans des bons de capitalisation, Sicav ou fonds mixtes. Doit-on s’attendre à un taux de précompte mobilier de 35 % l’an prochain ou une cotisation sociale sur le précompté actuel, comme en France ? Comme pris par une forme de « remords fiscal », le Ministre des Finances a d’ailleurs tenté au début du mois de janvier 2013 de promouvoir un nouvel avantage fiscal au capital à risque, en suggérant un précompte réduit sur les nouvelles actions. Cette idée lancée a hélas peu de chance d’aboutir, en raison de l’absence de consensus au sein du gouvernement et, notamment de l’opposition frontale d’un grand parti. On ne peut que regretter ce manque d’ouverture à cette proposition, car les PME subissent déjà des problèmes de financement réels. Il me paraitrait à tout le moins opportun de réfléchir à l’idée de l’introduction, à l’échelle fédérale, d’un avantage fiscal de même nature que celui qui existe déjà en Flandre pour les contribuables qui souscrivent des actions auprès de fonds ARKimedes.
6. La nouvelle taxe de 15% sur les dividendes de SICAFI. – La loi-programme du 27 décembre 2012 introduit aussi une nouvelle taxation sur les dividendes de SICAFI résidentielles qui jusqu’à présent étaient exonérés. Ces dividendes sont taxés à un taux réduit de 15% depuis le 1er janvier 2013. Les SICAFI visées sont les sociétés belges ou relevant d’un autre Etat membre de l’EEE (pour ces dernières, il faut toutefois qu’un certain échange d’informations soit organisé). Nos gouvernants ont jugé qu’il fallait mettre un terme au régime préférentiel dont profitaient les bénéficiaires de tels revenus. Il faut par ailleurs constater que le régime des SICAFI résidentielle manquait d’une évidente clarté. En parallèle à la renonciation au précompte mobilier, il était prévu, pour 2012, une obligation de déclaration de ces revenus, ce qui pouvait donner lieu à la perception du précompte mobilier de 21%. L’abrogation de la renonciation et l’application d’un précompte mobilier libératoire de 15% met fin à cette incohérence. La loi en profite également pour résoudre un problème de discrimination souligné par la Commission européenne[5]. Désormais, ne pourront plus bénéficier de ce taux réduit de 15% que les SICAFI qui investissent 80% de leur fonds dans des immeubles d’habitation, et non plus 60% , comme prévu précédemment. Les SICAFI disposeront d’un délai de deux ans pour se conformer à cette nouvelle condition de 80% Par immeubles d’habitation, il faut entendre les habitations familiales mais aussi les habitations collectives, les immeubles à appartements ou des maisons de repos.
7. Le grand retour du précompte mobilier libératoire. L’obligation faite au contribuable de déclarer tous ses revenus mobiliers, qui avait été plébiscitée avec fracas fin 2011, disparait aussi vite qu’elle était née. Le bon sens commandait que cette obligation soit abrogée. En toute logique, des revenus de nature mobilière n’y résistent pas. Désormais, le précompte mobilier libératoire tel qu’il existait avant 2012 est réintroduit. Ce qui, bien sûr, ne remet pas en cause la règle qui prévoit l’obligation de déclarer certains revenus de capitaux et biens mobiliers qui soit bénéficient d’exonérations, soit ne subissent pas de précompte mobilier mais sont taxables à des taux distincts favorables (généralement 15%). Il s’agit ici essentiellement des revenus de créances hypothécaires, des revenus de la location de l’affermage ou de la concession de biens mobiliers, des revenus compris dans les rentes viagères, des revenus qui résultent de la cession ou de la concession de droits d’auteur et de droits voisins, des revenus résultant de conventions d’octroi de droits d’usage sur des biens immobiliers bâtis ou encore des revenus qui excèdent une tranche exonérée et sur lesquels aucune précompte mobilier n’ a été retenu (tels les revenus de dépôts d’épargne dépassant la limite de 1830 EUR et pour lesquels aucune institution financière n’a opéré la retenue du précompte mobilier de 15%). Cette résurgence du caractère libératoire du précompte mobilier ne fait pas non plus obstacle à la possibilité, prévue pour les contribuables disposant de revenus peu élevés, de déclarer tous revenus mobiliers en vue d’obtenir une taxation à l’impôt des personnes physique plus favorable que les taux du précompte mobilier.
8. La déclaration des contrats d’assurance-vie conclus à l’étranger.- S’il n’est plus obligatoire de déclarer les revenus mobiliers d’actions ou obligations, une nouvelle obligation de déclaration est néanmoins introduite par la loi-programme. En plus de l’obligation de déclarer les comptes bancaires étrangers, le contribuable doit à présent mentionner dans sa déclaration fiscale l’existence des contrats d’assurance-vie individuelle souscrits à l’étranger (l’obligation pour les contrats d’assurance-vie souscrits en Belgique existant déjà). Les contrats visés sont tous contrats d’assurance-vie qui sont des assurances dans lesquelles la survenance de l’évènement assuré ne dépend que la durée de vie humaine (tels les produits des branches 21, 22 ou 23). Le gouvernement souhaite de la sorte mettre un terme aux pratiques visant à dissimuler leurs avoirs en recourant à des assurances-vie étrangères.[6] L’étau se resserre un peu plus sur les gros détenteurs de capitaux qui ne jouent pas la transparence. Cette obligation n’a pas d’effet rétroactif, le Ministre des Finances ayant précisé, dans le rapport fait au nom de la Commission des Finances de la Chambre en réponse à diverses interpellations de parlementaires, que «l’obligation de déclaration ne s’appliquera que pour le futur, à dater de l’entrée en vigueur de la mesure (déclaration 2013) ». En ce qui concerne la portée de l‘obligation de déclarations, le Ministre ajoute que « comme pour ce qui se fait à l’heure actuelle concernant la déclaration des comptes bancaires détenus à l’étranger, le contribuable devra seulement répondre par oui ou non, et indiquer le cas échéant le ou les pays dans lesquels les contrats d’assurance-vie ont été conclus. » Le Ministre se prononce enfin sur la question délicate de la mise en place d’un cadastre des assurances-vie souscrites par les contribuables. Il déclare qu’ « il n’entre pas dans les intentions du gouvernement de mettre sur pied une banque de données des assurances-vie, comme on en a fait pour les comptes bancaires. C’est une discussion qui a déjà été menée en Commission au moment de la discussion sur la levée du secret bancaire, et on en a conclu à l’époque que les problèmes n’étaient pas comparables, pour la raison qu’il n’existe pas de secret des assurances comme il existe un secret bancaire. ; dès lors l’administration fiscale est en droit de demander toutes les informations qu’elle juge utiles auprès des compagnies d’assurance, qui ne peuvent objecter une forme de secret. ». C’est toutefois un peu vite oublier, comme le rappellent avec justesse les avocats André Bailleux et Frédéric Janssen[7], qu’il existe de facto un secret en ce qui concerne les assurances étrangères, l’administration fiscale belge ne disposant pas du pouvoir d’exiger des informations vis-à-vis des compagnies établies à l’étranger.
9. La fin de l’obligation de communication au Point de contact central. Dans la loi du 28 décembre 2011, les redevables du précompte mobilier devaient transmettre les informations relatives aux dividendes et intérêts à un Point de contact central en identifiant les bénéficiaires des revenus. Pour la mise en œuvre de ce mécanisme de communication, Kafka n’aurait pu imaginer des règles plus complexes et burlesques. Sans évoquer à nouveau les aspects de procédure de cette obligation de communication qui ont été largement commentés par la doctrine en 2012, on ne peut s’empêcher de regretter, rétroactivement, les grandes dépenses d’ énergies, les couts exorbitants et les complications administratives inutiles occasionnées par cette obligation de communication. Les banques avaient été contraintes d’adapter leur système informatique, l’administration se voyait placée dans des difficultés dans la vérification du bon déroulement de la procédure, et les contribuables ne savaient plus s’il fallait opter pour l’anonymat (et donc accepter de subir la retenue à la source sur les premiers 20.020 EUR de revenus mobiliers) ou pour la déclaration de tels revenus, au risque d’être à jamais dans le collimateur du fisc prêt à vérifier l’origine des fonds donnant lieu aux revenus déclarés ou entrent dans le cadastre des patrimoine privés souhaité par d’aucuns (le spectre de l’impôt sur la fortune n’étant jamais bien loin). Tout le monde s’accorde pour reconnaitre que la suppression de ce « grand machin » (pour paraphraser ironiquement De Gaulle) était une nécessité et s’avère être en définitive une bonne mesure. Le gouvernement a compris qu’il n’était ni raisonnable ni financièrement tenable de mettre en place un point de Contact en son sein. Reste que pour 2012, rien n’est changé si ce n’est une simplification des modalités de perception de la cotisation supplémentaire sur revenus mobiliers de 4%. Le gouvernement a concocté une technique qui devrait permettre de générer moins de travail pour les contribuables, les institutions financières et l’administration. Il est en effet prévu que le citoyen souscrive une déclaration de laquelle il ressort qu’il n’a pas bénéficié en 2012 de revenus encore passibles de la cotisation de 4%. A cette fin il pourra demander à sa banque de faire prélever et de verser les 4% sur ses revenus mobiliers. La demande devait être faite à l’institution financière pour le 31 décembre 2012 au plus tard et celle-ci doit payer les 4% pour le 31 mars 2013 au plus tard. L’avantage du système est que le contribuable préservera son droit à bénéficier du régime de la déclaration fiscale pré-remplie puisqu’aucun revenu mobilier ne devra être repris dans la déclaration fiscale.
10. Augmentation de la taxe sur les opérations d’assurance-vie.- Le gouvernement a porté le taux sur les opérations d’assurances sur la vie conclues par des personnes physiques de 1,10 % à 2%. Un tel presque doublement de la taxe est, pour le moins, brutal. Il est craindre que ce genre de mesures dissuade un certain nombre d’épargnants de choisir à l’avenir ce type de placements, ce qui ne peut que réduire les recettes fiscales de l’Etat. La faiblesse du rendement de certains produits d’assurance-vie, combinée à l’inflation actuelle, risque par ailleurs de réduire fortement le revenu attendu. Le taux de 1,1% est toutefois maintenu pour les opérations d’assurance temporaires au décès à capital décroissant qui servent à la garantie d’un emprunt hypothécaire conclu pour conserver ou acquérir un bien immobilier (en clair, essentiellement les assurances solde restant dû). Les assurances-vie conclues par des personnes morales restent frappées du taux de 4,40%. En conclusion la hausse de la taxe sur les assurances-vie frappe à nouveau une catégorie de contribuables qui aurait dû être épargnée.
11. Taxe de 0,40 % sur les plus-values sur actions. La loi-programme du 27 décembre 2012 insère aussi une nouvelle taxe de 0,40% sur les plus-values constatées ou réalisées par une société qui, suivant les critères de l’article 15 du Code des sociétés, n’est pas considérée comme une petite société. Pour rappel, sont qualifiées de « petites sociétés » les sociétés, dotées de la personnalité juridique qui, pour le dernier et l’avant-dernier exercice clôturé, ne dépassent pas plus d’une des limites suivantes :
– nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle : 50;
– chiffre d’affaires annuel, hors taxe sur la valeur ajoutée : 7.300.000 euros;
– total du bilan : 3.650.000 euros;
sauf si le nombre de travailleurs occupés, en moyenne annuelle, dépasse 100.
Dans son avis, le Conseil d’Etat n’a pas manqué de soulever la question de savoir si une telle imposition ne heurte pas le principe de non-discrimination puisqu’elle différencie les sociétés selon qu’elles répondent ou non au prescrit de l’article 15 du Code des sociétés. Dans la mesure où certains régimes dérogatoires ou privilégiés existent déjà en matière fiscale à l’égard des PME, cette nouvelle mesure ne devrait pas, selon nous, soulever de problème. En revanche, c’est à nouveau le principe de sécurité juridique qui risque ici d’être érodé car, bien, que le taux d’imposition soit relativement modeste, il n’est pas exclu de penser qu’à terme ce taux soit augmenté de manière plus ou moins forte, avec le risque de déstabiliser à nouveau des investisseurs étrangers potentiels (qui sont essentiellement de grandes entreprises). Selon le ministre des Finances, « la modicité du taux ne devrait pas faire fuir les investisseurs éventuels et satisfait en outre un attente latente de l’opinion publique, à savoir que des entreprises qui aujourd’hui ne paient absolument pas d’impôt ou seulement des montants dérisoires, vont effectivement être mises à contribution pour participer aux efforts budgétaires que nous devons aujourd’hui réaliser. »[8] La brèche est cependant officiellement ouverte et la mise en place d’une taxe progressivement plus élevée en matière de plus-values sur actions est à craindre. Rappelons d’ailleurs que cette nouvelle taxe vient compléter le régime d’imposition de 25% sur les plus-values, instauré par la du 28 décembre 2011, en cas de réalisation d’actions avec plus-values dans un délai de moins d’un an. On présume que la taxation de 0,4% ne viendra pas s’ajouter à cette taxe de 25%. Rappelons par ailleurs que la loi du 11 décembre 2008, avait déjà modifié l’article 90 du CIR en y insérant un 9° permettant de taxer au taux de 33 % les plus-values sur actions ou parts qui sont réalisées à l’occasion de la cession à titre onéreux de ces actions ou parts, en dehors de l’exercice professionnelle, et qui ne relèvent pas d’une opération de gestion normale d’un patrimoine privé. Puisqu’il a le souci permanent de pourfendre toutes les formes de spéculation, le gouvernement n’aurait-il pas été plus inspiré de maintenir le principe d’une dégressivité prorata temporis avec, par exemple, la conservation d’une exonération lorsqu’une cession se fait après 5 ans. La légitimation d’une taxation des plus-values sur actions contrarie par ailleurs le principe du « non bis sur idem » qui veut qu’un impôt ne puisse frapper la même matière imposable. De telles plus-values sont en effet le reflet de bénéfices passés ou futurs de l’entreprise qui ont été ou seront frappés de l’impôt des sociétés. L’exonération des plus-values non spéculatives sur actions n’a pas pour finalité d’effacer une matière imposable, celle-ci étant simplement déplacée vers un autre contribuable. Comme l’écrit Bruno COLMANT, « l’absence de taxation des plus-values sur actions reflète le choix de continuer à distinguer les notions de patrimoines individuels et collectifs »[9]. Par ailleurs, la taxation des plus-values ne peut qu’éroder le maintien du pouvoir d’achat du capital.
En dépit de cette nouvelle taxe et de la crainte d’une hausse de celle-ci à moyen terme lors d’un prochain conclave budgétaire, il nous faut reconnaitre que la Belgique offre encore un régime plus favorable que ses voisins qui connaissent des taux fort élevées. Ainsi en est-il de la France avec son taux de 34,5%, de l’Allemagne avec un taux de 26,375 % ou encore des Pays-Bas avec un taux de 30%.
Notre fiscalité sur les revenus du travail étant particulièrement écrasante, un régime fiscal « allégé » en matière de plus-values sur actions reste un de nos meilleurs atouts. Il serait inopportun de s’en défaire.
12. Conclusions. Que doit-on retenir de cette nouvelle loi-programme modifiant à nouveau notre fiscalité mobilière ? Les contribuables seront avant tout sensibles à cette nouvelle hausse du taux de précompte mobilier à 25% (sauf exceptions). Pour ceux qui, avant la première loi-programme de décembre 2011, subissaient un précompte mobilier de 15%, cela représente une hausse de 10 points (soit 66,66%) en un an. C’est loin d’être négligeable. Avec la nouvelle taxe sur les plus-values sur actions, certes limité à 0,4% – mais pour combien de temps ? – et cette hausse du précompte mobilier, il pourrait y avoir un risque de délocalisation d’investisseurs vers d’autres places financières. Ces mesures sont en tout cas de nature à fragiliser un peu plus la compétitivité de nos entreprises, déjà fortement pénalisées par un coût du travail exorbitant. Seul l’avenir pourra nous dire si cette nouvelle orientation fiscale est bien opportune. Au rang des mesures dont il convient en revanche de se féliciter, la réintégration du mécanisme du précompte mobilier libératoire et la suppression de toutes technique de communication des revenus mobilier à un point de contact central soulageront tant les bénéficiaires que les redevables de revenus mobiliers. La loi–programme du 28 décembre 2011 avait été rédigée dans une précipitation coupable et avait révélé des défauts de conception. Cette nouvelle loi-programme du 27 décembre 2012 vient fort opportunément réparer les erreurs qui avaient été commises un an plus tôt et met un terme aux multiples interrogations qu’avait suscitées la mise en œuvre
Reste que ces nouvelles adaptations et corrections, intervenues dans un délai si bref démontrent à nouveau l’extraordinaire instabilité et volatilité de notre fiscalité mobilière. Or, chacun sait qu’un investisseur recherche avant tout dans un système fiscal, stabilité et sécurité juridiques. Diverses enquêtes ont montré que, bien plus qu’un taux d’imposition faible, c’est un environnement fiscal serein qui contribue au succès d’une place financière. Or, un tel climat d’incertitude fiscale n’est pas vraiment ce dont notre pays a besoin en ces temps de récession économique. Espérons au-moins que nos élus ne se lanceront pas en juin ou en décembre 2013 dans une nouvelle réforme fiscale mobilière, fût-elle cosmétique.
Pierre-François COPPENS
Conseil fiscal IEC, Juriste
Professeur à la Chambre Belges de Comptables
Chargé d’études à l’IEC
[1] Articles 777 à 97 de la loi-programme
[2] Doc. Parl. Chambre, n ° 53-2561/006, p.3.
[3] Cour de justice, 5 juillet 2012, C-318/10, SIAT
[4] Doc. Parl. Chambre, n ° 53-2561/006, p. 10
[5] Dans son avis n° 2008/4156 du 28 janvier 2010
[6] Cette obligation s’inscrit dans le prolongement d’une proposition de loi que M. Gilkinet (Ecolo) avait cosignée et dont l’objet était de « créer un registre des contrats d’assurance épargne et faciliter la perception du précompté mobilier sur les contrats d’assurance épargne conclus avec des établissements bancaires situés à l’étranger » (Doc 53 1331/001).
[7] Dans leur chronique publiée dans Libre Belgique le samedi 12 janvier 2013.
[8] Doc. Parl., Chambre n° 53-2561/0006, p33
[9] B. COLMANT, « Fiscalité des dividendes et des plus-values sur actions: rappel des principes de 1962 », Chronique dans l’Écho du 3 septembre 2009