A/ Les principes fiscaux essentiels applicables aux sociétés en liquidation
- L’article 183, § 1 du Code des sociétés énonce que « les sociétés commerciales sont, après leur dissolution, réputées exister pour leur liquidation ». Les causes de dissolution qui sont prévues par le droit des sociétés sont la dissolution volontaire (qui résulte d’une décision prise par l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires ou des associés), la dissolution de plein droit (intervenant par l’expiration du terme statutaire si la durée de la société n’est pas illimitée), ou la dissolution judiciaire (qui est prononcée lorsque l’actif net de la société devient inférieur au montant minimum du capital, en cas de non-dépôt persistant des comptes annuels ou encore pour justes motifs).Une société dissoute ne disparaît pas pour autant. Elle poursuit son existence après sa dissolution, mais avec pour unique finalité de se liquider, c’est-à-dire d’effectuer toutes les opérations qui tendent à la réalisation des actifs en vue de rembourser les créanciers et, si possible, de restituer un excédent éventuel aux actionnaires ou associés.
- Le régime fiscal des liquidations est essentiellement réglé par deux dispositions:
l’article 208 du C.I.R. et l’article 209 du C.I.R. L’article 208 du C.I.R. traite du régime fiscal d’une société en liquidation et énonce que celles-ci restent soumises à l’impôt des sociétés selon les dispositions des articles 183 à 207 du C.I.R. qui déterminent la base imposable de toute société.
Quant à l’article 209 du C.I.R., il règle le régime fiscal des répartitions des sommes aux actionnaires ou associés. Il définit tout d’abord ce qu’il faut entendre par « boni de liquidation » et comment celui-ci doit être traité fiscalement. Le boni de liquidation est l’excédent des sommes réparties sur le capital libéré revalorisé. Cet « excédent » est assimilé à un dividende. Depuis la loi du24 décembre 2002, le boni de liquidation est soumis à un précompte mobilier de 10 %. En revanche, la partie des répartitions qui n’excède pas le capital libéré (revalorisé) n’est pas imposable, ce qui est logique puisqu’il ne s’agit que du remboursement de la mise de départ des actionnaires.
L’article 209 du C.I.R. détermine ensuite l’ordre d’imputation des répartitions: les sommes réparties sont censées provenir d’abord du capital libéré, puis des réserves taxées et enfin des réserves immunisées. Cela signifie qu’il n’y a de boni de liquidation, et donc d’assimilation à dividende (et retenue d’un précompte mobilier), qu’à partir du moment où la répartition dépasse le capital libéré et porte sur les réserves de la société (taxées et immunisées). Il n’y aura toutefois d’imposition dans le chef de la société en liquidation que lorsque la répartition porte sur les réserves immunisées. Car en effet, dans le cas d’un prélèvement sur les réserves taxées, la reprise en dividendes est compensée par la disparition de ces réserves taxées et l’opération est neutre fiscalement.
- Pendant de très nombreuses années, l’administration fiscale imposait aux sociétés d’établir deux déclarations fiscales pendant l’année de leur dissolution:une pour la période qui va du premier jour de la période comptable jusqu’au jour de la dissolution, l’autre pour la période qui va du jour de la dissolution à la date de clôture de l’année comptable ou de la liquidation. Cette exigence que l’on retrouve dans le commentaire de l’article 305 du CIR pouvait se justifier à l’époque où les sociétés en liquidation étaient soumises à un régime de taxation différent de celui applicable aux sociétés en activité (c’est-à-dire avant 1989!). Cette règle n’a plus aucun sens aujourd’hui. Les sociétés en liquidation sont et restent en effet soumises aux mêmes règles de l’impôt des sociétés que les sociétés en activité. On ne trouve en tout cas aucune trace de cette obligation dans l’article 305 du CIR. Le texte se limite à dire que la déclaration à remettre chaque année incombe au liquidateur pour les sociétés dissoutes.Or, imposer deux déclarations fiscales peut avoir des conséquences non négligeables pour une société en liquidation. Outre les coûts liés aux obligations comptables supplémentaires, la société risque par exemple de se voir exclue du bénéfice du taux réduit si elle n’octroie pas une rémunération suffisante à l’un de ses dirigeants. Et cette exigence peut être difficile à remplir lorsque la période correspondant à l’une ou l’autre des déclarations fiscales se réduit à quelques mois, voire quelques jours. Cette double déclaration fiscale entraîne aussi des effets pervers en matière de versements anticipés.Les tribunaux de Liège[1] et d’Anvers[2] ont fort heureusement réagi face à cette situation et ont condamné cette pratique. Le tribunal de première instance de Liège se prononce en ces termes:
Les sociétés mises en liquidation à partir du 1er janvier 1990 demeurent, contrairement à l’article 217 du CIR 64, soumises aux règles ordinaires de l’impôt des sociétés de sorte que les conditions d’assujettissement ne cessent d’être réunies qu’après la clôture de la liquidation. Pour la période au cours de laquelle la société est mise en liquidation, il n’y a pas lieu de s’écarter des règles générales applicables en ce qui concerne la période imposable en matière d’impôt des sociétés et, par voie de conséquence, la société mise en liquidation ne doit pas souscrire une déclaration à l’impôt des sociétés exercice d’imposition spécial.
Après s’être ralliée à ces jugements, l’administration a émis une circulaire[3] mettant à jour son commentaire. Cette circulaire impose à tous ses services de taxation de mettre fin à cette exigence de double déclaration fiscale l’année de la liquidation. La circulaire précise également que cette mesure est d’application immédiate, à tous les stades de la procédure, y compris aux litiges pendants et à venir.
Par exemple, une société qui clôture traditionnellement ses comptes au 31 décembre est dissoute le 15 mars 2008, et la clôture de liquidation a lieu le 27 novembre 2010. La société a dû introduire 3 déclarations: deux déclarations ordinaires pour les années 2008 et 2009 et une dernière déclaration dite « spéciale » relative à la période allant du 1er janvier 2010 jusqu’au 27 novembre 2010 (date de la clôture de liquidation).
- La société en liquidation a le droit de poursuivre normalement ses amortissements selon les mêmes principes que ceux qui s’appliquent aux sociétés commerciales.
Comme nous l’avons plus haut, l’article 28 de l’A.R./C. Soc. précise toutefois que les règles d’évaluation doivent être adaptées par les sociétés en liquidation. Celles-ci doivent en effet complètement amortir les frais d’établissement et comptabiliser, le cas échéant, des amortissements additionnels sur les immobilisations, pour ramener la valeur comptable à la valeur probable de réalisation. De tels amortissements sont-ils admis fiscalement? En principe, le droit fiscal suit le droit comptable, sauf dérogation expresse, et il faudrait en admettre la déduction. Le ministre des Finances a cependant considéré, en réponse à une question parlementaire[4], que ces amortissements complémentaires ne sont pas des frais professionnels déductibles sauf s’ils sont comptabilisés durant le dernier exercice comptable, c’est-à-dire celui de la clôture de liquidation. Cette position nous semble excessive et par trop dérogatoire du prescrit comptable.
Dès la liquidation, les réserves antérieurement immunisées (notamment les plus-values de réévaluation) deviennent imposables lorsqu’elles font l’objet d’une distribution aux actionnaires, c’est-à-dire lorsque la condition d’intangibilité ne peut plus être respectée.
Après de nombreuses tergiversations, le ministre des Finances a admis que les plus-values réalisées avant la dissolution de la société et susceptibles de donner lieu au régime de la taxation étalée continueront à bénéficier de ce régime après dissolution, à condition toutefois que les opérations de liquidation se déroulent sur plusieurs années avant la cessation de l’activité professionnelle[5]. En revanche, les plus-values réalisées après la dissolution ne peuvent plus profiter du régime de taxation étalée.
L’article 208, alinéa 2 du C.I.R. inclut parmi les bénéfices imposables d’une société en liquidation toutes les plus-values que la société aurait réalisées ou constatées à l’occasion du partage de l’avoir social. Cette disposition vise les répartitions faites en nature aux actionnaires. Ces plus-values subissent donc l’impôt des sociétés qui diminuera d’autant le montant à répartir.
Si le partage comprend par exemple un immeuble, la plus-value se déterminera sur la base de la valeur vénale de celui-ci. La question s’est posée de savoir si les plus-values réalisées par la société en liquidation sur des actions de sociétés tierces que détiendrait cette société en liquidation bénéficient toujours de l’exonération prévue par l’article 192 du C.I.R. Le ministre des Finances a répondu à cette question par l’affirmative[6].
À l’instar des sociétés en cours d’activité, les sociétés en liquidation peuvent bénéficier du taux réduit si leurs revenus imposables n’excèdent pas 322.500 EUR. Il convient toutefois de rappeler que ce taux réduit est exclu lorsque le dividende distribué excède 13 % du capital libéré de la société. Or, au cours de la liquidation, les répartitions sont par priorité imputées sur le capital. Il s’ensuit que la société perdra rapidement le bénéfice du taux réduit.
La dissolution de la société n’entraîne pas l’imposition de la réserve d’investissement. La dissolution a toutefois pour effet que la réserve d’investissement constituée antérieurement et pour laquelle la société n’ pas encore satisfait à l’obligation d’investissement sera imposable, bien que le délai de trois ans ne se soit pas écoulé. On raisonne ici par année civile et non par période imposable.
Exemple: une société clôture ses comptes au 31 décembre et constitue en 2009 une réserve d’investissement. La mise en liquidation intervient en décembre 2010. Si la société ne peut justifier d’aucun investissement, la réserve d’investissement sera imposable (en plus d’intérêt de retard) pour l’exercice comptable clôturé au 31 décembre 2010.
On ajoutera que la réserve d’investissement devient imposable dès que la condition d’intangibilité n’est plus respectée, et cette taxation ne pourra être compensée par l’un ou l’autre élément déductible.
B. / Le régime fiscal des répartitions dans le chef de la société en cours de liquidation.
L’article 209 du C.I.R énonce que l’excédent que présente les sommes réparties, en espèces, en titres ou autrement, sur la valeur réévaluée du capital libéré est considéré comme un dividende distribué. Les sommes réparties sont donc divisées en:
- une partie des sommes attribuées qui ne dépasse pas le montant du capital libéré (éventuellement réévalué si le capital a été libéré avant 1950): cette partie est non taxable;
- une autre partie des sommes attribuées qui dépasse le montant du capital libéré: cette partie est ce qu’on appelle le boni de liquidation.
Le boni de liquidation est considéré comme un dividende distribué. Les bonis attribués à partir du 1er janvier 2002 font l’objet d’une retenue d’un précompte mobilier égal à 10 %[7].
L’article 209 du C.I.R. prévoit aussi l’ordre d’imputation des répartitions. Celles-ci sont censées d’abord provenir:
- du capital libéré (réévalué);
- puis des réserves taxées;
- et enfin, des réserves immunisées.
Cet ordre d’imputation permet de savoir à partir de quand il y a boni de liquidation et, par conséquent, à quel moment celui-ci doit être soumis à un précompte mobilier.
Il arrive souvent que la répartition se produise par fractions successives et sur plusieurs exercices. En ce cas, le texte de loi précise qu’il faudra tenir compte des imputations déjà réalisées précédemment pour déterminer si un impôt est dû.
Le boni de liquidation n’entraîne pas d’imposition dans le chef de la société dans la mesure où il correspond à la répartition des réserves taxées. En effet, la taxation du boni de liquidation est compensée par la diminution des réserves taxées correspondantes. En revanche, le boni de liquidation devient imposable lorsqu’il entraîne la répartition de réserves immunisées ou bien de revenus perçus durant la période de liquidation (le bénéfice de l’exercice de la société ou les plus-values réalisées à l’occasion du partage).
Il s’ensuit que le liquidateur doit tenir compte de la dette d’impôt estimée dont est redevable la société sur le bénéfice de l’exercice de liquidation ainsi que sur les réserves immunisées avant de répartir les sommes entre les actionnaires ou associés.
- Un exemple illustre ces principes :
- Le bilan de la société A, mise en liquidation, est le suivant:
A P
Immeubles 8.000 Capital 4.000
Stock 2.000 Réserve légale 1.000
Machines 7.000 Réserves disponibles 5.000
Réserves immunisées 3.000
Dettes 4.000
Total 17.000 Total 17.000
Au cours du premier exercice comptable de sa période de liquidation, la société réalise une partie des actifs pour un montant de 10.000 et dégage à cette occasion une plus-value de 3.000 qui, après déduction de l’I.Soc [33,99 % (arrondi à 34 % pour simplifier) sur 3.000, soit 1.020], est affectée au bénéfice reporté. Grâce aux sommes obtenues à la suite de cette réalisation, la société décide de procéder à une première répartition de 9.000. Cette répartition doit être imputée selon la fiction légale, par priorité sur le capital libéré puis sur les réserves disponibles.
- Solution
Les conséquences fiscales de cette première répartition sont les suivantes:
- une réduction de capital libéré de 4.000 (qui disparaît);
- une distribution d’un boni de liquidation égale à la différence entre 9.000 (sommes distribuées) et 4.000 (capital libéré), soit 5.000. Ce boni de liquidation doit être repris en dividende dans la déclaration fiscale (et fait l’objet d’une retenue de précompte mobilier de 10 %);
- une diminution des réserves taxées (disponibles) de 5.000;
- une DNA impôt de 34 % sur 3.000, soit 1.020 correspondant à la dette fiscale estimée sur les plus-values réalisées au cours de l’exercice.
- La déclaration fiscale sera donc celle-ci:
IV. Cadre I, A Situation au 01/01 Situation au 31/12
Réserve légale 1.000 1.000
Réserve disponible 5.000 0
Résultat reporté 0 1.980 (3.000 – 1.020)
TOTAL 6.000 2.980
Diminution des réserves 3.020
taxées
Cadre II (D.N.A.): 1.020 (dette fiscale estimée)
Cadre III (Dividendes): 5.000 (boni de liquidation)
Le résultat fiscal est donc de 3.000 (-3.020 + 1.020 + 5.000). Ce résultat imposable équivaut très logiquement au résultat de l’exercice (plus-values réalisées au cours de l’exercice).
On constate que la distribution d’un boni de liquidation n’entraîne aucune imposition dans le chef de la société tant que celui-ci s’impute sur les réserves taxées. En effet, la taxation en dividendes est « neutralisée » par la diminution des réserves taxées. Il faut toutefois tenir compte du Pr.M. qui doit être retenu sur le dividende.
Dans notre exemple, le boni de liquidation ne s’impute pas sur les réserves immunisées et la société échappe donc à l’I.Soc (à part bien sûr l’I.Soc. sur le résultat de l’exercice).
Si l’on suppose que lors de l’exercice comptable suivant, une seconde répartition entraînait une imputation sur les réserves immunisées, le boni de liquidation deviendrait soumis à l’I.Soc.
Depuis la loi du 24 décembre de 2002, le boni de liquidation est désormais soumis à un précompte mobilier de 10 %. C’est donc à la société en liquidation de retenir ce précompte. Lorsque le bénéficiaire est une société, ce Pr.M. est imputable sur l’impôt des sociétés et, lorsque le bénéficiaire est une personne physique, il constitue un impôt définitif. La loi du 24 décembre 2002a ici un effet rétroactif: le précompte mobilier sur le boni est applicable aux revenus attribués ou mis en paiement à partir du 1erjanvier 2002 et pour autant que la liquidation ne soit pas clôturée avant le25 mars 2002. Cette rétroactivité a toutefois été sanctionnée parla Cour d’arbitrage.
Il faut encore souligner que l’introduction d’un précompte mobilier sur les bonis ne fait pas obstacle aux possibilités de renonciation prévues par le droit commun. Ainsi, il n’y a aura aucune retenue de précompte mobilier sur les bonis attribués aux sociétés mères belges ou étrangères qui détiennent une participation minimale de 25 % pendant une période ininterrompue d’au moins un an dans le capital de la filiale (article 106, §§ 5 et 6 de l’A.R./C.I.R.).
Dans notre exemple, nous avons considéré une réalisation des éléments d’actifs suivie d’une répartition en espèce. La répartition aux actionnaires peut toutefois être réalisée directement en nature. Quelles en sont les incidences fiscales? Si l’attribution porte sur des actions que la société en liquidation détient en portefeuille, les plus-values réalisées bénéficieront de l’exonération pour autant que les exigences de l’article 192 du C.I.R. soient satisfaites. Ce point de vue a d’ailleurs été confirmé par le ministre des Finances à deux reprises [8].
En qui concerne l’attribution d’un immeuble, le régime d’imposition des plus-values étant conforme aux principes généraux, c’est au niveau des droits d’enregistrement que se situent les particularités essentielles. Si la société en liquidation est une S.A., le transfert donnera lieu à la perception d’un droit de 12,5 % (10%) sur la valeur actuelle de l’immeuble (article 130 du Code des droits d’enregistrement).
- l’immeuble ait été acquis par la société avec paiement du droit de vente de 12,5 %;
- l’associé qui devient propriétaire de l’immeuble faisait partie de la société au jour de l’acquisition par celle-ci (preuve facile à fournir si la constitution et l’acquisition ont eu lieu le même jour).
- Les moins-values sur actions ou parts ne sont en principe pas déductibles . Toutefois, ces moins-values de liquidation sont déductibles jusqu’à concurrence de la perte du capital libéré de la société liquidée[11]. Cela signifie que la partie de la moins-value sur les actions qui représente une perte en capital libéré sera déductible pour l’actionnaire. La loi du 22 décembre 1998 va même plus loin puisqu’elle considère comme du capital libéré, la partie du capital libéré qui a été réduite en vue d’apurer les pertes comptables ou pour la constitution d’une réserve destinée à couvrir une perte prévisible et utilisée[12]. Cet ajout dans la loi se justifie pour éviter toute discrimination entre les sociétés qui, respectueuses du droit comptable, ont apuré de cette manière leurs pertes comptables, et les autres sociétés qui ne se sont jamais souciées de leurs pertes comptables[13]. La loi instaure en quelque sorte une « renaissance » du bon capital.
- la partie du prix d’acquisition qui excède la quote-part du capital libéré représenté par les actions détenues par B, soit 25.000 – 18.000 = 7.000 constitue une D.N.A.;
- la différence entre cette même quote-part du capital libéré et la somme obtenue lors du partage total, soit 18.000 – 12.000 = 6.000 constitue une charge professionnelle déductible.
- d’une part, il ne peut s’agir que d’avances sur l’actif net qui sera à répartir les attributions à titre définitif ne pouvant se faire qu’après paiement des dettes et consignement des sommes nécessaires à cet effet;
- d’autre part, l’approbation des comptes de la liquidation et la décharge du liquidateur n’intervient qu’à cette même clôture de liquidation.
- Sur la base de ces éléments, la CNC recommande deux approches:
- soit porter le montant de l’avance consentie à l’actif. cette comptabilisation n’aura pas d’impact sur les fonds propres;
- soit porter le montant de l’avance au passif en déduction globale, mais explicite des fonds propres.
Cette seconde méthode reçoit la préférence dela CNCcar il faut bien constater que les sommes attribuées à titre d’avance sur la répartition de l’actif ne forme pas un réel actif (donnant lieu à un flux de ressources favorables à la société)
La seconde approche permet en outre, lorsque la liquidation est terminée, de solder le compte « avances aux associés sur la répartition de l’actif net » par le débit des divers comptes de fonds propres, ce qui offre une plus grande conformité à la réalité comptables.
- Un exemple permet d’illustrer le mécanisme.
Le bilan de la société à liquider se présent comme suit:
Bilan A Actifs corporels 1.900 Capital 500 Disponible 100 Réserves 500 Dettes 1.000 TOTAL 2.000 2.000 Les valeurs comptables, fiscale et de marché des actifs de la société A sont les suivantes:
Valeur comptable Valeur fiscale Valeur de marché Actif 2.000 2.400 3.000 Passifs (1.000) (1.000) (1.000) Actif net 1.000 1.400 2.000 La société est en liquidation et choisit de réaliser ses actifs corporels. Par la suite, elle distribue une avance sur l’actif net disponible à la clôture de liquidation.
La société réalisera une plus-value fiscale de 600 (2.000-1.400). L’impôt sur la plus-value sera donc de 204 EUR (34 % x 600). Après constitution d’une provision pour l’impôt de liquidation la société aura un montant net à distribuer de 1.796 (1.000 + 1000 – 204).
- Les écritures comptables lors de l’attribution de l’avance seront les suivantes:
a) Réalisation de l’actif et apurement des dettes
55. Établissement de crédit 2.000
23. Actifs corporels 2.000
43. Autres dettes 1.000
76. Plus values sur réalisation d’actifs immobilisés 1.000
b) Attribution, règlement des avances et constitution de la provision pour impôt de liquidation
19. Avances aux associer sur la répartition de le l’actif net 1.796
48 Dettes associés 1.796
48. Dettes associés 1.796
19. Établissement de crédit 1.796
67xx Impôts dus 204
45 Dettes fiscales 204
à Les écritures comptables lors de la liquidation de la société seront les suivantes:
45. Dettes fiscales 204
55. Établissements de crédit 204
100. Capital 500
13. Réserves 500
14. Bénéfice reporté 796
19 Avances aux associes sur la répartition de l’actif net 1.796
E. Qu’est ce qu’une « plus-value constatée » quand il s’agit de déterminer la base imposable d’une société en liquidation (notion de valeur réelle au moment du partage) ?
L’article 208, alinéa 2 du C.I.R. prévoit que les bénéfices des sociétés en liquidation comprennent aussi les plus-values réalisées ou constatéesà l’occasion du partage de leur avoir social.
Il peut en être ainsi lorsque le liquidateur attribue des actifs – autres que des sommes d’argent – aux actionnaires. Selon le fisc, les actifs transférés à l’occasion d’une telle attribution doivent être évalués à leur valeur réelle au moment de leur partage pour la détermination du bénéfice imposable (Com.I.R./92, n° 209/11).
Mais que faut-il entendre au juste par valeur réelle ?
Cette notion est à l’origine de bien de litiges et questionnement en tous genres.
Pour les immeubles, l’Administration considère souvent que la valeur vénale des biens attribués au moment de leur transfert doit servir de référence ;
Les cours et tribunaux font parfois référence à des points de comparaison objectifs (p.ex. : si une transaction similaire est intervenue quelque temps avant la dissolution, cette transaction peut donner une indication de prix[18]).
De leur côté, les fonctionnaires de l’administration des contributions directes font souvent appel à leurs collègues d’autres administrations fiscales (p.ex. les services du cadastre, le receveur de l’enregistrement) pour obtenir une évaluation.
Mais cette méthode ne recueille pas toujours l’assentiment dela jurisprudence. Nousillustrons le rejet de la position administrative dans les deux arrêts suivants.
La Courd’appel de Gand a notamment déjà décidé que si le fisc s’appuie uniquement sur une évaluation communiquée sans autre précision par une autre administration fiscale, cette information ne peut pas être considérée comme un fait connu pouvant être utilisé dans le cadre d’une preuve par présomptions de l’homme.La Courd’appel de Gand a considéré comme arbitraire le renvoi à une évaluation communiquée par l’Administration du cadastre (Gand 30 janvier 2002, non encore publié).
Dans cet autre cas soumis à la Courd’appel de Bruxelles[19], le juge a suivi la thèse de la société qui considérait que l’évaluation des actifs effectuée par le receveur de l’enregistrement ne pouvait pas être utilisée sans plus pour la détermination de la base imposable. La cour constate que l’évaluation réalisée par le receveur n’est nullement motivée et ne contient par exemple aucun point de comparaison.
Les faits de l’espèce concernent une société immobilière (SPRL) dont la liquidation est clôturée à peine quelques jours après l’acte de dissolution. L’acte notarié établi à l’occasion de la clôture de la liquidation prévoit que les biens immeubles que la société a acquis par le passé sont attribués aux associés. La valeur de ces immeubles est fixée dans l’acte notarié à 140.000 EUR (valeur des immeubles attribués est égale à leur prix d’achat augmenté des frais de rénovation qui ont été supportés par la société).
Pour la valeur des immeubles qui ont été attribués est sensiblement supérieure à celle mentionnée dans l’acte de clôture de la liquidation.
Elle fait état d’une évaluation réalisée par le receveur de l’enregistrement (255.000 EUR).
La Courd’appel juge toutefois que l’évaluation réalisée par le receveur ne constitue pas un fait connu permettant de déterminer la base imposable sur la base de présomptions de l’homme.
On notera que la cour a, dans ce dernier dossier, décidé finalement de désigner un expert et lui donne pour mission de déterminer la valeur réelle des immeubles à la date de la clôture de la liquidation.
En revanche, en cas d’acquisition par un associé d’une S.P.R.L., S.N.C. ou S.C.S., seul le droit de partage (1 %) sera dû par l’associé (même si l’actionnaire principal est l’associé unique lors de la liquidation) à condition que (article 129 du Code des droits d’enregistrement):
C/ Le traitement fiscal des répartitions dans le chef des actionnaires de la société en liquidation (actionnaires sociétés ou personnes physiques)
C.1. L’actionnaire est une société (résidente)
Lors de la liquidation, la société actionnaire réalisera éventuellement une plus-value sur ses actions. La plus-value est égale à la différence entre les sommes réparties et la valeur d’investissement ou de revient des actions [9]. il convient d’insister sur le fait que la plus-value réalisée par la société actionnaire qui se détermine au départ de la valeur comptable des actions ne doit pas être confondue avec le boni de liquidation qui, quant à lui, se détermine par comparaison avec le capital libéré. Pour les actions qui avaient été émises lors de la constitution de la société, ces notions sont bien entendu identiques, puisque la valeur d’investissement correspond à la contre-valeur du capital libéré.
La plus-value obtenue par la société actionnaire est considérée comme un revenu définitivement taxé et est donc en principe déductible aux conditions et dans les limites de ce régime.
Il faut toutefois tenir compte d’une règle particulière introduite par le législateur et applicable, depuis le 12 janvier 2010, sur les bonis de liquidation qui peuvent naître de ce qu’on appelle une « fusion mère-filiale », dans laquelle une société est reprise de manière fiscalement neutre et où, avant la reprise, la société repreneuse détenait déjà des actions dans la société reprise. Pour de tels bonis de liquidation , il ne doit pas être satisfait aux conditions de participation relatives à la déduction RDT telles que visées à l’article 202 § 2 du CIR (participation minimale, etc.). En outre la déduction des RDT est accordée à 100% au lieu du taux normal de 95% (article 202, § 2, et article 204, alinéa 2 du C.I.R.).
Lorsqu’une société dissoute remet à ses actionnaires, lors du partage de son avoir social, des actions de sociétés tierces en sa possession, la plus-value ainsi constatée dans le chef de la société dissoute peut être considérée comme une plus-value réalisée pour l’application de l’article 192 CI.R (article 57 de la loi portant des dispositions fiscales et diverses du 22 décembre 2009 (M.B. 31 décembre 2009). Au cas où la condition de taxation est remplie, ces plus – values peuvent donc être immunisées par adaptation de la majoration de la situation du début des réserves. Par le passé, le ministre des finances avait confirmé cette règle en réponse à une question parlementaire[10] .
Le texte légal est aujourd’hui explicitement modifié en ce sens : l’immunisation des plus – values réalisées (telles que visées à l’article 192, § 1er, alinéa 1er, C.I.R. 1992) vaut aussi à l’égard des plus – values qui sont « constatées à l’occasion du partage de l’avoir social d’une société dissoute ».
Cette adaptation du texte légal est entrée en vigueur le 10 janvier 2010.
Exemple (moins-value)
Soit le tableau des mouvements du capital de la société A :
Année comptable |
Opérations |
Capital libéré |
Réserves taxées |
Réserves immunisées |
1997 |
Constitution |
200.000 (20.000 actions à 10 EUR) |
||
2002 |
Remboursement du capital libéré |
(20.000) |
||
2009 |
Apurement des pertes comptables |
(30.000) |
||
150.000 |
La société B a acheté en 2001 2.000 actions de la société A pour un prix de 25.000. Lors du partage total de l’avoir social de A qui a lieu le31 décembre 2009, la société B reçoit une somme de 12.000 EUR pour solde de tout compte.
La quote-part du capital libéré représenté par les actions A détenues par B (sachant que depuis la loi du22 décembre 1998, il ne faut pas tenir compte de la réduction de capital libéré pour apurer les pertes comptables) est de 180.000 x (2000/20.000) = 18.000.
La moins-value de 13.000 (25.000 – 12.000) se décompose de la manière suivante:
Lorsqu’une société avait comptabilisé antérieurement une réduction de valeur (rejetée en D.N.A.) sur ses actions, cette réduction avait pour conséquence logique de diminuer la valeur résiduelle des actions et donc aussi la moins-value éventuelle de liquidation. Pour ne pas léser ces sociétés qui respectent strictement la loi comptable, le commentaire administratif admet aussi que la société pourra déduire la moins-value de liquidation comme si aucune réduction de valeur n’avait été comptabilisée. Sur le plan de la technique de la déclaration fiscale, les réductions de valeur qui correspondent à une perte de capital libéré seront ajoutées à la situation de début des réserves[14].
Le précompte mobilier de 10 % qui a été retenu par la société en liquidation lors de la distribution du boni de liquidation sera imputé sur l’impôt des sociétés de la société actionnaire.
On observera que les conventions préventives de la double imposition prévoient des règles de dévolution d’imposition différentes pour les plus-values et les dividendes. La question se pose donc de savoir quelle qualification les conventions donnent aux revenus distribués à l’occasion d’une liquidation (ou encore d’un rachat d’actions). S’agit-il de dividendes ou bien de plus-values? La réponse à cette question ne figure pas dans la convention modèle O.C.D.E. elle-même, mais dans le commentaire de cette convention modèle (version abrégée, avril 2000): le point 31 du commentaire de l’article 13 de la convention modèle énonce en effet que « si des actions sont vendues par un actionnaire à la société qui les a émises, lors de la liquidation de cette société ou de la réduction du capital libéré, la différence entre le prix de vente et la valeur nominale des actions peut être traitée dans l’État dont la société est un résident comme une distribution de bénéfices mis en réserve et non comme un gain en capital ».
Il s’ensuit que les attributions faites aux actionnaires dans le cadre d’une liquidation sont considérées comme dividendes si le droit interne de l’État de résidence de la société les traite comme telles. Ce droit interne peut toutefois traiter de telles distributions comme plus-values. C’est donc la qualification donnée par la législation de l’État de résidence de la société distributrice qui déterminera l’imposition dans l’État de la source (l’État d’où proviennent les attributions).
C.2 L’actionnaire est une personne physique
Pour les actionnaires physiques, le précompte mobilier de 10 % a un caractère libératoire[15]. Cette taxation de 10 % s’applique aussi dans le cas où le boni de liquidation n’a pas fait l’objet d’une retenue parce qu’il a été encaissé directement à l’étranger, lorsqu’il est repris directement à l’étranger ou lorsqu’il est repris directement dans la déclaration à l’impôt des personnes physiques[16].
La moins-value subie par l’actionnaire personne physique n’est pas déductible[17].
D.- Quelques considérations comptables et fiscales à propos des avances de répartition.
S’agissant du traitement, comptable qu’il convient de réserver aux attributions aux associé d’une société en liquidation sous la forme d’une avance sur l’actif net qui leur reviendra à la clôture de liquidation, la Commission des Normes comptables, dans son avis 170/2 de février 1999rappelle que de telle attributions se distinguent de celle décidées au cours de la vie de la société en ce que:
La CNCrecommande dès lors de comptabiliser ces avances sur répartition dans un compte distinct de la classe (exemple « avances aux associés »), sans toutefois qu’il y ait lieu de ventiler ces avances selon qu’elles concernent le capital, les primes d’émission ou les réserves.
[2] Trib. 1re inst. d’Anvers, 11 décembre 2002, Fiscologue, no 833 du 21 mars 2003, p. 6.
[3] Circulaire du 10 décembre 2003, no Ci. R.H. 81/557.698 – AFER 32/2003
[4] Question, M. Eerdekens no 826, 6 novembre 2001
[5] Question, M. Eerdekens no 825, 6 novembre 2001
[6] Bull. contr., no 755, pp. 3141-3142. On lira l’excellente analyse de S. van Crombrugge, « Plus-values sur actions et sociétés en liquidation », Fiscologue, no 538, pp. 5-6.
[7] La loi du 24 décembre 2002 qui prévoit la taxation d’un précompte mobilier de 10 % a entraîné la modification de trois articles du C.I.R. : l’article 18 du C.I.R. (qui ajoute à la liste des dividendes les bonis), l’article 21 du C.I.R. (sur les revenus mobiliers non imposables au rang desquels ne figure plus les bonis de liquidation (sauf l’exception des sociétés d’investissement) et l’article 269 du C.I.R. (qui crée un nouveau taux de précompte mobilier de 10 %).
[8] Q.R. no 1040 du 21 avril 1994 et Q.R. no 69 du 9 août 1995, Bull. contr., 755, p. 3141
[9] Éventuellement augmentée des plus-values y afférentes antérieurement exprimées et non exonérées
[10] Question parlementaire n° 49 du 9 août 1995, Jozef Dupré, QRVA, Chambre, n° 5, Session 1995-1996, 2 octobre 2005, page 309
[11] Article 198, alinéa 1, 7°, du C.I.R.
[12] Article 198, alinéa 2, du C.I.R
[13] On ajoutera, pour être complet, que, sur base de la jurisprudence de la Cour d’appel de Bruxelles (arrêt du 19 février 1999, Cour. fisc., 1999, p. 344), les moins-values sur actions d’une société faillie sont aussi déductibles. En effet, l’article 198, 7° du C.I.R. exige seulement un partage total de l’avoir social et non la disparition d’une société par suite de dissolution. Dès lors, à l’occasion d’une faillite, lorsque tous les actifs sont réalisés et qu’il ne reste plus rien à partager, la condition de « partage total » est remplie et les éventuelles moins-values sur actions sont déductibles
[14] Com.I.R. 195/73
[15] Article 171, alinéa2, f, du C.I.R
[16] Si les actions ont été affectées à l’exercice de l’activité professionnelle – cas rarissime –, la plus-value sera soumise au taux de 16,5 % ou imposée globalement selon que les actions sont détenues pendant plus ou moins de cinq ans.
[17] Sauf pour le cas exceptionnel où les actions ont été affectées à l’exercice de l’activité professionnelle
[18] Anvers 12 novembre 1996, F.J.F. No 96/264
[19] Bruxelles 4 octobre 2007, disponible sur www.fiscalnetfr.be