Un courant doctrinal et administratif, qui sans doute s’inspire de traditions anglo-saxonne et germanique bien ancrées, est en train de voir le jour en Belgique. Selon cette approche, l’interprétation économique d’une loi fiscale ou d’une opération produisant des effets fiscaux est une interprétation parfaitement valable. Cette thèse ne vise rien moins qu’à faire triompher la réalité économique sur la réalité juridique. Elle trouve son fondement dans le principe d’égalité devant l’impôt.
L’idée est ici que, pour éviter des distorsions trop grandes dans la contribution des contribuables à l’impôt, il faut faire supporter la même charge fiscale à des phénomènes économiques identiques ou similaires. En droit fiscal belge ni d’ailleurs en droit fiscal français[1] l’interprétation économique des lois fiscales n’est pas encore parvenue à percer. Mais la porte est désormais ouverte. On se rappellera pourtant de ces mots célèbres du professeur Gothot : « Qu’on nous fasse grâce de cette formule selon laquelle l’impôt atteint les réalités. Bien sûr. Mais quelles réalités ? Pour l’instant, toujours des réalités juridiques ». [2]
La brèche de l’appréciation économique étant ouverte, il faut craindre qu’elle ne conduise en réalité à une profonde insécurité juridique. L’erreur d’une telle méthode est qu’elle ne tient compte que du contenu économique d’un acte en faisant abstraction complète des chemins juridiques empruntés. Or, si un décalage important devait exister entre une forme juridiques usitée par des contribuables et la finalité économiques de l’opération réalisée au moyen de cette forme juridique, il appartient au législateur, et à lui seul, d’apporter les correctifs nécessaires.