Qui n’a pas déjà entendu ces vieilles formules bien connues : « Le fisc s’en prend aux PME mais ne fait rien à l’encontre des multinationales ! « C’est toujours les petits qui trinquent ! »
Bon sens populaire ou raccourcis démagogiques ? L’exigence de vérité, comme toujours, appelle à la nuance. Mais disons-le franchement, on éprouve aujourd’hui un sentiment de malaise.
Car derrière les discours enflammés de nos élus et du Ministre des Finances qui ne cessent de marteler en tous lieux et à toute heure que les PME doivent être soutenues car elles sont les plus grandes créatrices d’emplois et forment l’essentiel notre tissu économique, l’attitude de l’administration fiscale à leur égard est quelquefois fort surprenante, voire même ambiguë.
Certes, reconnaissons-le d’emblée, de très nombreuses et belles initiatives ont été prises récemment de la part du législateur fiscal pour les soutenir. Nous avons recensé à ce jour plus de 18 dispositions fiscales qui leur sont spécifiquement dédiées et qui sont toutes excellentes : possibilité de constituer une réserve de liquidation, dividendes à taux réduits, tax shelter pour entreprises débutantes, déduction pour investissement portée à 8 %, déduction à 120 % de certains frais en matière de sécurisation, taux majoré pour la déduction de 0,50% pour capital à risque, … Incontestablement, le gouvernement a « mouillé sa chemise ». Ces mesures fiscales favorables étaient nécessaires et elles ont été saluées par tous.
Mais, d’un autre côté, on peine à comprendre les raisons pour lesquelles l’administration fiscale dépense parfois tant d’énergie à contrôler et recontrôler des petites entreprises et leurs dirigeants, alors même que le résultat de ces investigations est bien souvent dérisoire.
Récemment encore, un contrôleur s’excusait auprès d’un client (patron d’une PME) de consacrer tant d’heures à examiner tous les comptes de sa société car il savait pertinemment qu’il n’y avait rien ou si peu à trouver. Mais les fameux critères de sélection des dossiers de l’administration centrale l’avaient contraint à cet exercice qu’il reconnaissait être inutile. Et d’ajouter, pour se justifier, qu’étant désormais soumis au « contrôle de qualité » de sa hiérarchie, il lui fallait contrôler poste par poste la totalité des comptes d’une société dont il avait déjà compris qu’elle était parfaitement en ordre. Bienvenue en absurdie ! Quelle étrange allocation des ressources humaines au sein de la maison « SPF Finances » ! Mais surtout quelle perte de temps et d’énergie pour tous ces dirigeants de PME qui ont d’autres chats à fouetter que de regarder leur contrôleur caresser durant des heures des factures de ventes et d’achats et d’écouter les commentaires désabusés d’un inspecteur que le « data mining » a rendu mélancolique.
Un autre exemple nous vient du Service des Décisions Anticipées (SDA), noble institution destinée à conférer de la sécurité juridique à chaque contribuable souhaitant accomplir un acte juridique ou une opération déterminée ayant des incidences fiscales.
On assiste aujourd’hui à une véritable opération de charme de la part des dirigeant de ce Service, invitant davantage de PME et de professionnels du chiffre à venir frapper à leur porte : « Non, non, nous ne sommes pas au service des grandes entreprises mais bien de toutes les entreprises ».
A nouveau, derrière les mots, voici la réalité : dès qu’une demande de décision anticipée est formulée par un dirigeant d’une PME, la machine administrative se met en branle : les agents du SDA chargés d’instruire la demande bombardent ce courage candidat de courriels, de questions, de demandes d’informations et de documents en tous genres (dont on se demande parfois à qui ils servent). Et s’il vient à manquer un seul papier, rien ne démarre. Il n’y a aucune intention de nuire de la part de ces fonctionnaires, mais leur souci du détail, leur besoin de disposer d’un dossier plus que complet, leur exigence de conditions nouvelles (dont certaines ne sont d’ailleurs pas prévues par la loi fiscale), ont pour effet de décourager bien des dirigeants ou les obligent à rémunérer un conseiller qui naturellement leur facturera le temps passé à l’assister à répondre aux questionnaires à rallonge qui lui sont adressés. Que de temps et d’énergie gaspillés pour des demandes parfois très simples et souvent légitimes !
D’après une enquête publiée par un grand cabinet d’audit, il parait que les PME belges consacrent plus de 140 heures par an à veiller au respect de toutes leurs obligations fiscales.
Le comportement méticuleux de certains fonctionnaires aggrave encore ce constat et a des effets dommageables pour notre économie.
A quoi sert-il de consentir tant d’avantages fiscaux à des PME si le gain fiscal qu’elles en retirent est détruit par tant d’heures perdues à subir les conséquences d’une désorganisation administrative, à délivrer des tonnes d’informations à des fonctionnaires qui de toute façon ne sauront pas quoi en faire ?
Dans un monde qui bouge à la vitesse de la lumière, les PME ont vraiment mieux à faire que cela !
En un mot, quelle stratégie absurde que de faire pire en croyant bien faire.