1. Principes • Une fusion ou une scission classique entraîne le transfert de l’intégralité du patrimoine d’une société ou de plusieurs sociétés à l’occasion d’une dissolution sans liquidation. La scission partielle obéit à un tout autre principe. Considérée par le Code des sociétés[1] comme une « opération assimilée à une fusion ou à une scission », la scission partielle permet de transférer une partie de l’avoir social d’une société vers une ou plusieurs sociétés existantes ou à constituer en rétribuant directement les actionnaires de la société transférante. La société transférante continue à exister et subit simplement une réduction de son patrimoine correspondant à l’avoir transféré. Quant aux actionnaires de la société, ils deviennent titulaires, en plus des actions de la société transférante, de nouvelles actions de la société bénéficiaire. Pour bien comprendre le traitement fiscal de la scission partielle, il convient à nouveau d’examiner les conséquences dans le chef des trois acteurs de cette opération: la société transférante, la société bénéficiaire et l’actionnaire.
2. Traitement comptable des scissions partielles • Aucune législation comptable n’existe à ce jour au sujet du traitement comptable des scissions partielles.
La Commissiondes normes comptables (C.N.C.) a toutefois pris l’initiative, dans l’attente d’une modification légale du droit comptable, de rédiger un avis sur les scissions partielles (avis 166/2 d’avril 2002). Selonla C.N.C., la scission partielle doit se définir comme l’opération par laquelle une société transfère, sans dissolution, une partie de son patrimoine à une ou plusieurs autres sociétés (existantes ou à constituer) en contrepartie de l’émission d’actions directement attribuées à ses actionnaires.
Vu le caractère « mixte » des scissions partielles,la C.N.C. considère que le traitement comptable de celles-ci peut être appréhendé en les considérant:
– soit comme des opérations d’apport suivi d’une distribution en nature aux actionnaires d’actions en contrepartie de l’apport;
– soit comme des opérations de scission aux modalités particulières.
La C.N.C. choisit de privilégier cette seconde approche et estime dès lors qu’il convient de leur appliquer le régime de l’article 80 de l’AR/Soc qui vise les scissions ordinaires, avec les conséquences suivantes:
– transfert partiel des fonds propres comptables de la société apporteuse à la société bénéficiaire, en proportion de l’actif net comptable apporté par rapport au total de l’actif net de la société apporteuse;
– diminution, dans les comptes de la société actionnaire, de la valeur comptable des actions de la société partiellement scindée, en proportion de la réduction de l’actif net comptable enregistré, suite au transfert.
3. Nécessité d’une branche d’activité? • Pour bénéficier du régime d’immunisation des scissions partielles, faut-il que les actifs et les passifs transférés forment une branche d’activité? Précisons d’emblée que le Code des sociétés est muet sur la question. La directive 2005/19 CE du 17 février 2005 qui intègre les scissions partielles dans les opérations visées par la directive du 23 juillet 1990 sur les fusions requiert un transfert de branche d’activité. Notre Code des sociétés, qui ne parle pas de « scissions partielles » mais d’ « opérations assimilées à une scission », n’a pas souhaité intégrer cette exigence de branche d’activité. Il s’ensuit que, dans l’état actuel de la législation, le régime de neutralité fiscale n’est, en la matière d’impôt sur les revenus, pas conditionné à la nécessité d’un apport de branche d’activité. Toutefois, la loi du 16 juillet 2001 qui a introduit le régime des scissions n’a rien prévu en ce qui concerne la fiscalité indirecte. Dès lors, ce sont toujours les conditions prévues à l’article 117 du Code des droits d’enregistrement et des articles 11 et 18 § 3 du Code TVA qui restent d’application.
Ces dispositions n’octroient d’exemption qu’en cas de transfert de branche d’activité. La suppression du droit d’apport par la loi du 22 juin 2005 (Moniteur belge du 30 juin 2005) ne change rien à ces principes car cette suppression ne s’applique pas en cas d’apport mixte, c’est-à-dire en cas d’apport rémunéré en partie autrement que par l’attribution d’actions. Or, il arrive très régulièrement que la scission partielle prévoie une reprise du passif en cas d’apport d’éléments d’actifs. Si cet apport ne forme pas une branche d’activité, les droits de mutation seront dès lors dus.
De même, en matière de TVA, une simple cession de biens (immeuble, stock de produits) ne formera pas un apport de branche d’activité et s’accompagnera d’une application dela TVA.
4. Régime de la société transférante (partiellement scindée) • Une opération de scission partielle, à l’instar des opérations de fusion ou de scission, est en principe une opération taxée. Telle est la raison pour laquelle l’article 210 § 1 du C.I.R. prévoit que les opérations assimilées à une fusion ou une scission sont soumises au régime de la liquidation. Toutefois, lorsque les conditions d’immunisation requises à l’article 211 § 1er du CIR pour les scissions et les fusions sont réunies, l’opération sera neutre fiscalement[2]. Dès lors, il y aura exonération des plus-values latentes sur les éléments transférés de même que sur les plus-values exprimées et les réserves exonérées. Aucun dividende ne sera distribué car le texte ne le prévoit pas. Les fonds propres de la société transférante sont simplement réduits à concurrence de la valeur fiscale nette des éléments transférés. La société pourra décider sur quels composants des fonds propres elle entend imputer cette réduction. On notera que l’absence de compensation de ces prélèvements par l’expression d’un dividende soulève un sérieux problème sur le plan fiscal, car l’opération de scission partielle génère une perte fiscale. Cette opération semble donc très intéressante fiscalement pour la société transférante. Cette lacune devrait toutefois être comblée par le législateur, car elle aboutit à l’inverse de la logique de neutralité fiscale.
5. Conséquences dans le chef de la société bénéficiaire • Les éléments transférés conservent leurs caractéristiques fiscales comme si la scission partielle n’avait pas eu lieu (article 212 du C.I.R.). La société bénéficiaire héritera, en outre, d’une partie des fonds propres fiscaux de la société partiellement scindée, et ce, proportionnellement à la valeur fiscale nette des actifs transférés. Les pertes fiscales subissent aussi la limitation prévue par l’article 206, § 2 du C.I.R.
6. Conséquences dans le chef de l’actionnaire de la société transférante • en complément des actions qu’il possède déjà dans la société transférante, l’actionnaire acquiert, de nouvelles actions de la société bénéficiaire en proportion de sa participation. Le législateur avait recours à une sorte de fiction selon laquelle l’actionnaire aurait « échangé » ses actions de la société scindée contre de nouvelles actions de la société bénéficiaire[3]. En réalité, l’actionnaire conserve tous les titres de la société scindée mais comptabilise une réduction de valeur sur ces titres. Cette fiction a été prévue pour permettre à la plus-value réalisée à cette occasion de bénéficier du même régime d’exonération que si un échange s’était produit.
La loi du 11 décembre 2008 amodifié l’article 45 du C.I.R. qui précise désormais que « dans l’éventualité d’une opération assimilée à une scission, le total de la valeur fiscale nette des actions ou parts de la société scindée et des actions ou parts obtenues est égal à la valeur fiscale nette qu’avaient les actions ou parts de la société scindée immédiatement avant l’opération assimilée à la scission. La valeur fiscale nette des actions ou parts obtenues en échange est proportionnelle à la valeur réelle de l’apport par rapport à la valeur réelle totale de la société scindée avant l’opération. »
L’exonération des plus-values est soumise aux conditions de 183 bis du CIR : les motifs économiques valables)[4].
La loi du 11 décembre2008(MB 12 janvier 2008) a remplacé la disposition anti-abus par un nouvel article 183 bis. L’article 183 bis du CIR s’énonce comme suit:
« Pour l’application des articles 45, § 1 er, alinéa 1 er, 46, § 1 er, alinéa 1 er, 2°, 95, alinéa 1 er, 211, § 1 er, alinéa 1 er, et 231, § 2, alinéa 1 er, l’opération ne peut avoir comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales. Le fait que l’opération n’est pas effectuée pour des motifs économiques valables, tels que la restructuration ou la rationalisation des activités des sociétés participant à l’opération, permet de présumer, sauf preuve contraire, que cette opération a comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales. »
Ce texte est la transposition quasi-intégrale de l’article 11 de la directive fiscale sur les fusions et scissions. L’exposé des motifs du projet de loi qui a conduit à l’article 183 bis du CIR précise à cet égard que la disposition anti-abus doit recevoir la même interprétation que l’article 11 de la directive, interprétation donnée par la Cour européenne de justice.
La référence désormais faite à cette disposition anti-abus de l’article 183 bis par l’article 211 du CIR (lui même modifié par la loi du 11 décembre 2008) ne constitue pas une modification substantielle et ne devrait pas modifier l’approche administrative.
La notion de « motifs économiques valables » de l’article 183 bis du CIR est d’ailleurs, à notre avis, plus claire et plus simple que la pesante formule de « besoins légitimes de caractère économique et financier » dont les termes redondants laissaient place à des interprétations parfois multiples, voire à certains malentendus. Le terme « légitimes », par exemple, était d’ailleurs quelque peu regrettable car il pouvait laisser la porte ouverte à une forme de contrôle d’opportunité du fisc qui devenait quelque peu le seul juge de la nécessité ou même de la « moralité » de l’opération de restructuration.
La nouvelle formule « motifs économiques valables » signifie que la justification économique qui est avancée par le contribuable doit s’inscrire dans la nouvelle philosophie de l’article 183 bis qui est de n’accorder aucune immunité fiscale à toute fusion, scission, ou scission partielle qui aurait pour but la fraude fiscale ou l’évasion fiscale. Un motif économique qui aboutit à l’évasion fiscale ne peut donc être jugé « valable ».
Dans son excellente analyse de la nouvelle disposition anti-abus[5], Daniel Garabedian estime que trois types de motifs économiques devraient, dans cette logique, en ce sens être disqualifiés:
1. Celui qui consiste en la recherche d’un avantage purement fiscal;
2. Celui qui, bien qu’étant non fiscal, est à ce point général qu’il est présent dans toute opération de réorganisation (le Service des décisions anticipées raisonnait aussi en ce sens); l’auteur cite l’exemple d’économies quant à la rédaction et à la publication des comptes annuels;
3. Celui qui est, certes, spécifique à l’opération envisagée, mais qui est à ce point ténu qu’aucune personne normale ne réaliserait cette opération pour ce seul motif (le vrai motif n’étant, par conséquent, pas le motif invoqué).
7. Précompte mobilier • La règle de l’article 269 du C.I.R., alinéa 10 prévoit que le taux de 15 % (et non de 25 %) est d’application lorsque les actions ou parts émises à partir du 1er janvier 1994 sont « échangées » à l’occasion d’une fusion ou d’une scission pose évidemment problème en matière de scissions partielles puisque de telles opérations n’entraînent pas de véritables échanges d’actions. La loi du 25 avril 2006 (Moniteur belge du 28 avril 2006) a dès lors modifié l’article 269, alinéa 10 pour préciser que la remise d’actions ou parts, à l’occasion d’une opération assimilée à une scission, est assimilée à un échange d’actions ou parts en cas de scissions[6].
8. Exemple simple • Prenons l’exemple suivant:
A P
Immobilisations 10.000 Capital 3.000
Actifs circulants 5.000 Réserves disponibles 5.000
Réserves exonérées 2.000
Dettes 5.000
Total 15.000 15.000
Les actionnaires de la société A sont :
– une personne physique qui détient 25 % (participation acquise pour 2.000);
– une société (D) qui détient 75 % (participation acquise pour 8.000).
Supposons que la société A fasse l’objet d’une scission partielle et décide de transférer les actifs circulants et les dettes (pour 1.000) à une nouvelle société B et conserve le reste. La valeur fiscale nette des éléments apportés est donc de 4.000 EUR La valeur d’apport de A est de 18.000. La valeur d’apport des éléments apportés à B est égale à 7.000.
Après la scission partielle, les bilans se présentent donc comme suit:
Bilan de A (société partiellement scindée):
A P
Immobilisations 10.000 Capital 1.800
Réserves disponibles 3.000
Réserves exonérées 1.200
Dettes 4.000
______
10.000
Bilan de B (société bénéficiaire):
A P
Actifs circulants 5.000 Capital 1.200
Réserves disponibles 2.000
Réserves exonérées 800
Dettes 1.000
_____
5.000
Quelles sont les conséquences dans le chef des actionnaires?
La valeur d’apport des actions émises par la société B est égale à 7.000. Il s’agit-il de la valeur conventionnelle des actions, c.-à-d. celle qui a été acceptée par les parties dans le projet de scission.
L’actionnaire personne physique (qui détient avant opération une participation de 2.000) recevra des actions de B pour un montant de 1.750 (25 % de 7000). Par ailleurs, la quote-part de sa participation dans les éléments transférés est de 778 (2.000 x 7.000/18.000). Dès lors, l’échange fictif des actions (car, en réalité, les actions de A ne disparaissent pas) donnera lieu à une plus-value de (1750 – 778 = 972), non taxable.
L’actionnaire-société D qui détient avant l’opération une participation de 8.000 recevra des actions B d’une valeur de 5.250 x (75 % x 7.000). La quote-part de sa participation dans les éléments transférés est de 3.111 (8.000 x 7.000/18.000). Dès lors, la plus-value est de (5.250 – 3.111 = 2.139). Cette plus-value est non taxable. Dans la mesure où cette plus-value ne peut être exprimée sur le plan comptable, il est dérogé à la condition d’intangibilité.
9. Exemple plus complexe : présence d’une réserve occulte
Soit la société avec le bilan suivant:
A P
Immobilisations 56.000 Capital 12.000
Réserves disponibles 20.000
Réserves exonérées 8.000
Dettes 16.000
Total 56.000 Total 56.000
Les immobilisations comprennent un actif pour une valeur nette de 6.000 sur lequel un excédent d’amortissement de2.000 aété taxé.
Supposons que la scission partielle prévoit un transfert des actifs à une nouvelle société B pour une valeur comptable de 22.000 et des dettes pour une valeur de 6.000. Le reste des actifs et passifs est conservé par A. Parmi les actifs conservés figure l’actif de 6.000 qui a l’excédent d’amortissement.
La valeur fiscale nette de A avant la scission est de 42.000 (56.000 – 16.000 + 2.000).
La valeur fiscale nette des éléments transférés à B est de 16.000 (22.000 – 6.000).
Après l’opération de scission partielle, les fonds propres seront donc répartis comme suit:
– Fonds propres fiscaux de A: 26.000
– Fonds propres fiscaux de B: 16.000
La répartition proportionnelle des fonds propres se heurte toutefois ici à la règle (Com. I.R. 211/50) selon laquelle les réserves taxées (en l’occurrence l’excédent d’amortissement) doivent être attribuées à la société bénéficiaire qui détient l’élément auquel est rattachée la réserve fiscale.
Il faudra donc procéder à la nouvelle répartition des fonds propres suivants:
- Chez A:
Capital: 12.000 x (26.000/42.000) = 7.428,57, arrondi à 7.429
Réserves taxées: 22.000 x (26.000/42.000) = 13.619,04, arrondi à 13.619
Réserves immunisées: 8.000 x (26.000/42.000) = 4.952,38, arrondi à 4.952 - Chez B:
Capital: 12.000 – 7.429 = 4.571
Réserves disponibles: 20.000 – 11.619 = 8.381
Réserves immunisées: 8.000 – 4.952 = 3.048
Le bilan de A se présentera donc comme suit:
A P
Immobilisations 34.000 Capital 7.429
Réserves disponibles 11.619
Réserves exonérées 4.952
Dettes 10.000
Total 34.000 Total 34.000
Le bilan de B sera le suivant:
A P
Immobilisations 22.000 Capital 4.571
Réserves disponibles 8.381
Réserves exonérées 3.048
Dettes 6.000
Total 22.000 Total 22.000
La déclaration fiscale de A, après scission, sera celle-ci:
I.A. Réserves taxées I.B. Réserves exonérées III. Dividendes distribués[7] àRésultat de la période |
Réserves disponibles Excédent d’amortissement Diminution de la période Plus-values réalisées (autres) |
01/01 20.000 8.000 |
31/12 11.619 -8.381 4.952 8.381 0 |
La déclaration fiscale de B, après la scission partielle, sera la suivante:
I.A. Réserves taxées I.B. Réserves exonérées
|
Réserves disponibles Majoration de la situation de début des réserves Mouvement de la période Plus-values réalisées (autres) |
01/01 0 8.381 0 |
31/12 8.381
0 0 3.048 |
La majoration de la situation de début des réserves doit correspondre au total des réserves transférées par A à B à l’occasion de la scission partielle.
10. La position du SDA Finances en matière de scission partielle. Le SDA (Service des décisions anticipées) est régulièrement appelé à se prononcer sur la question de savoir si une scission partielle répond à des besoins légitimes de caractère économique ou financier. On recense un nombre très important de décisions anticipées rendues en cette matière. Il nous a paru dès lors pertinent de dégager les principales lignes de force que l’on peut dégager de ces décisions anticipées et d’en tirer les principaux renseignements.
Sont accueillies favorablement les opérations suivantes :
– la scission partielle ne soulève pas de problème lorsqu’il est établi que la séparation de deux branches indépendantes d’une société permettra aux deux branches de mieux se développer [8];
– la scission partielle vise à séparer les participations détenues par une société des autres activités;
– le SDA exige généralement un engagement de non cession des actions issues de la scission partielle (ou de la scission) pendant une période variant de 12 à 36 mois. La volonté du SDA est d’éviter que l’apport (exonéré) ne déguise en réalité une vente (imposable);
– la scission ou scission partielle se justifie lorsque chaque activité a des besoins de financement différents et pourra intéresser des banquiers ou des investisseurs différents;
– la scission partielle permet d’isoler des immeubles affectés à une activité bien spécifique dans une nouvelle société spécialement constituée;
– des divergences de vue sont apparues entre les deux groupes d’actionnaires à propos de la gestion des actifs de la société et de l’orientation économique de l’entreprise[9];
– l’objectif de la scission ou de la scission partielle est de permettre le développement d’une activité de la société dans un groupe plus important développant des activités complémentaires[10].
En revanche, le SDA refusera l’existence de besoins légitimes lorsque:
– la scission partielle n’a pas pour but de séparer des activités distinctes en vue de leur développement, mais vise plutôt à partager les actifs et passifs en fonction des intérêts des personnes physiques associées[11];
– la position financière de la société est affaiblie par le retrait de bâtiment ou de machines[12];
Les demandes sont aussi mieux accueillies lorsqu’elles visent à assurer une pérennité de l’emploi.
D’une manière générale, on observera que le SDA n’apprécie les motifs économiques que dans le chef des seules sociétés, à quelques exceptions près, et non dans le chef des actionnaires. La directive européenne fusions du 23 juillet 1990 considère toutefois que l’évasion fiscale n’est présente que si aucun motif fiscal ne justifie l’opération. Par conséquent, il peut être admis que le SDA examine les motivations économiques d’une opération, non seulement dans le chef de la société, mais dans le chef des actionnaires. Si des objectifs économiques, et pas seulement fiscaux, sont recherchés par les actionnaires, il n’y a, à notre sens, aucune raison que l’administration ne les accueille pas favorablement. Sont à ranger parmi des motifs économiques sérieux et parfaitement valables le règlement d’intérêts familiaux ou l’évitement de conflits entre actionnaires.
11. Aspects de droit des sociétés.- Dans le cadre de la scission partielle, les formalités suivantes sont à respecter :
- Rapport spécial du conseil d’administration (article 745 du Code des Sociétés) ;
- Vérification par le réviseur de la situation comptable arrêtée à une date précise ;
- Projet de scission (article 743 du Code des Sociétés) :
- Motivation économique et financière de l’opération
- Rapport d’échange des actions
- Description et répartition des éléments du patrimoine scindé
- Autres informations sur l’opération et sa prise d’effet
- Rapport de réviseur sur le rapport d’échange pour la société transférante (articles 677 et 746 du Code des Sociétés) : rapport sur le caractère pertinent et raisonnable du rapport d’échange proposé.
- Rapport de réviseur sur le rapport d’échange pour la société issue de la scission, (articles 677 et 746 du Code des Sociétés) ;
- Convocation d’une Assemblée Générale Extraordinaire devant notaire qui aura notamment à son ordre du jour la scission partielle
- La décision de modification des statuts doit réunir 3/4 des voix présentes.
Outre les délais normaux de convocation des organes de gestion et de l’assemblée générale, certains délais seront aussi à observer :
- Si l’on se base sur les comptes annuels au 31 décembre, le projet de scission partielle doit être déposé dans les 6 mois de la clôture de l’exercice. Sinon, il y a lieu d’établir une situation intermédiaire.
- Le projet de scission partielle doit être déposé au moins 6 semaines avant l’assemblée générale appelée à se prononcer sur la scission partielle.
12. Autres points à considérer dans le cadre d’une scission partielle.- Il peut s’avérer nécessaire d’adapter les statuts et notamment, l’objet social et la dénomination des sociétés En cas de modification de l’objet social, l’article 559 du Code des Sociétés devra être respecté.
Dans le cadre de la scission partielle, seul un droit d’apport fixe sera en principe exigé sur l’apport à la nouvelle société.
Une soulte en espèces peut être attribuée aux associés mais celle-ci ne peut dépasser 10% de la valeur nominale des actions attribuées.
Si la société bénéficiaire poursuit ses activités dans l’immeuble qui reste à l’actif de la société scindée, un bail devra être conclu entre les deux sociétés.
13. Conclusion – les avantages de la scission partielle • Recourir à une scission partielle permet d’éviter les inconvénients liés à une disparition de société et à la création d’une nouvelle société. Comme la société « scindée partiellement » continue à exister, il y aura tout d’abord une importante économie de formalités administratives et de coûts (par exemple, plus de demandes d’un nouveau numéro à obtenir de la Banque Carrefour des Entreprises, d’un nouveau numéro de TVA ou impression de nouveau papier à en-tête, etc.). Par ailleurs, pour les biens immobiliers (non transférés), il ne sera pas nécessaire d’obtenir des attestations particulières en vertu de la législation régionale. De plus, l’absence de transfert du parc automobile permet d’éviter le paiement de nouvelles taxes de mise en circulation. Enfin, certains contrats présentant un caractère personnel (intuitu personae) conserveront leur opposabilité indépendamment de la scission partielle.
Par contre, l’opération d’apport de branche d’activité ou d’universalité ne permet pas de transférer des fonds propres à une autre société puisque l’apport ne fait que créer une filiale, ce qui peut alourdir la structure d’un groupe et ne permet de distribuer des dividendes qu’à la nouvelle société-mère.
En revanche, la scission partielle permet de combiner deux opérations en une seule:
– un apport de branche d’activité;
– une attribution d’actions de la société bénéficiaire directement aux actionnaires de la société transférante.
[1] Article 677 du C.Soc
[2] Article 211, § 1 du C.I.R. Peut-on opter pour une scission taxée ? Certains auteurs, dont Ch. Goossens, considèrent que ce texte semble le permettre puisqu’une opération faite dans un but exclusivement fiscal est exclue du régime d’exonération
[3] L’article 45, § 1 énonce en effet : « L’opération relative à la scission est assimilée, dans le chef de l’actionnaire, à l’échange d’actions en cas de scissions ». Le lecteur appréciera l’extraordinaire clarté de cette disposition !
[4] Voir à ce propos l’article signé Hughes Lamon, Géraldine Spanoghe et Delphine Gillet consacré aux réorganisations transfrontalières des sociétés (C& FP, n° 4, avril 2009, p.99 à 116).
[5] D. Garabedian, nouvelle disposition anti-abus: guère de changement de fond, Fiscologue du10 octobre 2008, n° 1132, page 2
[6] Cette modification a un effet rétroactif au 6 février 2001
[7] L’ajout de ce cadre « dividendes » est rendu nécessaire pour permettre à l’opération d’être neutre fiscalement et ne pas conduire à un prélèvement des réserves taxées dans le chef de la société transférante (voir notre point 4).
[8] Décision anticipée n°600.013 du 6 juin 2006
[9] Décision anticipée n°700.266 du 24 juillet 2007
[10] Décision anticipée n°500.355 du 19 janvier 2006
[11] Décision anticipée n°400.409 du 16 février 2000
[12] Décision 28 du 30 juin 1994, Bull. contr. n° 748